Comme chacun sans doute, l’hommage rendu au lieutenant-colonel Beltrame m’a ému. Je garderai en tête cette image du cortège semblant flotter sur l’eau, corbillard et motos se reflétant dans le miroir parfait de la chaussée détrempée par une pluie tenace.
Pourtant le malaise qui m’accompagne depuis le début de l’héroïsation du geste de ce gendarme ne m’a pas quitté. Oui cet homme est admirable. Son geste comme le disait Comte-Sponville dans Le Monde est plus encore que courageux, il est la générosité même puisque c’est une vie donnée pour sauver une vie. Ni le geste, ni l’homme qui l’a accompli ne sont en cause dans mon malaise. Mon admiration est totale. Alors quoi ? Pourquoi je ne vibre pas à l’unisson de tous ceux qui célèbrent un « héros français » ? Je ne suis pas antimilitariste comme cet homme qui s’est réjoui de la mort du gendarme. Je ne suis pas gêné que cet homme ait pu agir au nom de sa foi puisque je la partage. Je suis heureux qu’un Français montre des qualités humaines dont on puisse être fier. Mais je ne pense pas pour autant qu’il faille en faire un héros national. C’est pour moi plus un saint qu’un héros. Un saint, c’est celui qui suit l’exemple donné par le Christ en aimant jusqu’au don de sa vie. Pour moi Beltrame n’a pas fait un acte nécessaire à l’ordre public, il a fait preuve d’un exceptionnel altruisme ; il a agi moins en gendarme (tout le monde a reconnu que son acte n’était pas nécessité par sa fonction) qu’en homme et en chrétien solidaire d’une personne qu’il a voulu sauver. Un héros, c’est autre chose pour moi, c’est quelqu’un qui s’inscrit dans la construction d’un projet collectif, national ou non, quelqu’un qui participe d’une œuvre commune.
Je crains que cette héroïsation soit dictée par deux mauvaises raisons et qu’elle risque de renforcer nos fractures en ne solidarisant qu’une partie de la population de notre pays. Pour moi, on a trop appuyé sur le fait qu’il était soldat, français et chrétien comme si on retrouvait enfin le socle national alliant Eglise et Armée dans la même défense d’une identité française menacée. Cette vision obsidionale de la France m’attriste. La France, je l’aime, ouverte, diverse et impertinente. Cette insistance à dire qu’il est bien Français laisse entendre en contrepoint (mais bien sûr sans le dire ouvertement) qu’être blanc, catholique et défenseur de l’ordre public, c’est la France de référence, celle dont on doit être fier (exclusivement ?).
L’autre élément de cette héroïsation c’est cette « guerre au terrorisme » dont j’ai déjà eu ici l’occasion de me distancier. J’ai relu 3 malaises face à la guerre, je le signe encore aujourd’hui. Faire du lieutenant-colonel Beltrame un héros renforce encore cette idée que nous sommes en guerre et que son geste est un fait d’arme dans un combat guerrier. Qui peut croire sérieusement que ce jeune délinquant abruti était un combattant ? Encore une fois nous créons nous-mêmes nos ennemis en leur donnant autant d’importance. Ils n’existent que par l’écho médiatique qu’ils suscitent. La réalité de leur action concrète relève du fait divers sordide. Ce sont des criminels plus que des terroristes. Il faut évidemment protéger au mieux la population, repérer en amont ceux qui risquent de passer à l’acte mais pas au prix de notre liberté, de notre dignité.
Si donc je pense que Beltrame est plus un saint qu’un héros, qui peuvent être aujourd’hui nos héros ? … car je crois aussi que nous avons besoin de figures qui orientent notre projet national et donnent envie d’y participer. Beltrame, en tant que « saint », nous aide à discerner quelle valeur nous donnons à la vie, et c’est essentiel ; mais qui peut nous aider, par son exemple, à construire une Nation dont nous soyons fiers et surtout que nous aurions envie de contribuer à construire ? (Car une Nation, ce n’est pas seulement un passé qu’on admire et qu’on protège, c’est un futur qu’on prépare par ses propres engagements).
J’aimerais que nous prenions tous la plume pour dire nos « héros d’aujourd’hui », ceux qui nous inspirent et nous font avancer. Allez, je me lance ! Je sais qu’il va trouver le qualificatif lourd à porter mais tant pis, pour moi, Jean-Pierre Worms est un « héros d’aujourd’hui ». Par son combat au service de la justice à l’égard des plus pauvres, des oubliés, par sa capacité à prendre des initiatives qui marquent (France Initiative pour le développement local, le collectif Pouvoir d’agir pour la reconnaissance de l’empowerment,…), par sa capacité à mener ensemble 3 vies, celle de chercheur, d’homme politique et de responsable associatif, par ses qualités humaines de disponibilité, d’enthousiasme, d’entraînement et de modestie. Je pourrais continuer mais je ne fais pas un éloge funèbre ; Jean-Pierre est heureusement bien vivant, étonnant jeune homme qui a dépassé 80 ans !
Et si nous faisions collectivement cet exercice d’admiration ? Une page Facebook des « héros d’aujourd’hui » ? Si vous êtes prêts à l’alimenter, chers lecteurs, je suis prêt à la créer. Chiche ? Christine tu te lances ?
Oui ! Ok ! Tout-à-fait d’accord avec toi ! Arnaud Beltrame devrait être encore parmi nous ! La stratégie manquait, face à ce fou qui allait le tuer ! Trop content d’echanger une femme blessée contre un gendarme… qui plus est, héros national ! C dès la maternelle qu’il faut apprendre le sens, l’amour inconditionnel du vivant, la coopération, la générosité, l’intelligence collective, tous les biens précieux qui se multiplient en se partageant ! Ok pour un papier sur Tony Meloto, ce héros philippin hors norme…
Bien vu Hervé, ce qui qui affleure derrière cette célébration nationale, c’est le risque d’un sentiment d’exclusion de toutes celles et ceux qui ne sont pas des « bons français » cad pas « blanc, catholique » … et le cheveu coupé court ajouterais-je 😉
Pour ce qui est ton idée de célébration des « héros d’aujourd’hui », je n’y souscris pas trop. Pour moi, l’héroïsme est celui de gens ordinaires, anonymes, qui font face avec humanité à l’adversité, en restant debout et en agissant ou en prenant la parole, plutôt qu’en courbant l’échine en silence.
Dans une société du tout médiatique, je ne pense pas que nous ayons besoin de donner un quart d’heure de célébrité, à des postures et des attitudes qui méritent le temps arrêté de la méditation que l’éphémère de la médiatisation.
Dernier point pratique, oublie Facebook s’il te plait 🙂
Je tenterais de t’expliquer de vive voix pourquoi. A+
D’accord avec le commentaire précédent… D’ailleurs si la femme avait refusé l’échange quelle interprétation en auriez vous eu?
Philippe,
bien d’accord avec toi sur l’héroïsme des gens ordinaires. Mes modèles ne sont pas des gens hors de cet ordinaire de la vie, hors du monde commun, comme des étoiles, des stars inaccessibles. Si j’ai cité Jean-Pierre Worms c’est pour montrer qu’on peut faire des choses hors de l’ordinaire sans être hors du commun. Nous avons besoin de gens inspirants et ce n’est pas succomber pour autant aux illusions de la médiatisation.
La médiatisation n’est pas nécessairement une gloriole passagère qui n’a effectivement aucune valeur. Elle peut avoir de la valeur si elle donne à voir ceux qui ne sont pas suffisamment vus. Elle en a dans la logique de l’émission de Philippe Bertrand sur France Inter (Carnets de campagne). Là où je peux te rejoindre c’est sur Facebook, et j’ai hésité à le citer mais je m’y suis résolu parce que c’est le lieu du colportage et qu’on a infiniment besoin d’un colportage positif. Facebook n’est sans doute pas l’outil idéal mais je n’en ai pas d’autre en tête (et beaucoup de gens n’ont recours qu’à ce moyen). Nous poursuivrons de vive voix mais je voulais partager ces quelques lignes…
Je crois que je l’aurais appelée. Mais je n’ai pas de certitude sur la manière de faire et je suis preneur de toutes les objections. Elles font avancer. Elles permettent de reconsidérer un projet, de l’affiner, de le réorienter. J’ai de l’enthousiasme, pas de certitudes !
Je partage tes interrogations dans les grandes lignes Hervé. J’en suis venu à la conclusion provisoire (qui n’est pas entièrement satisfaisante) qu’on pouvait ressentir une grande émotion et une grande admiration pour ce sacrifice, tout en gardant ses distances par rapport au concept même d’héroïsme, qui reste une construction, un « mythe », ce qui pour moi n’est jamais très loin d’une illusion (en disant cela j’ai conscience que j’en suis pétri d’innombrables !)
Et à ce titre j’ai aussi tendance à prendre des distances avec le concept de « Nation », que les dits héros devraient aider à construire. Une illusion au service d’une autre, qui elle me semble avoir trop tendance à cultiver une forme d’exclusivité, d’indifférence à ce qui lui est extérieur, voire de xénophobie.
Reste qu’il en faut bien, quelques illusions : l’Humanité ? Le Vivant ? Le Cosmos ? Voilà quelques concepts qui pourraient peut être mériter quelques héros !
J’ai du mal à comprendre votre souhait qund vous dites : « qui peut nous aider, par son exemple, à construire une Nation dont nous soyons fiers et surtout que nous aurions envie de contribuer à construire ? »
Pourquoi notre nation ne serait-elle pas déjà construite et pourquoi n’en serions nous pas fier ?
Sans nation, sans peuple, sans une certaine homogénéité culturelle et idéologique, il ne peut plus y avoir de démocratie et c’est un régime oligarchique totalitaire qui prend les commandes pour maintenir la paix civile. C’est en fait ce qui nous arrive.
Comment en sommes nous arrivé là ? Et bien disons que cela fait plus de 40 que la politique d’immigration de notre beau pays ne dépend plus de la volonté du peuple mais de la volonté d’une oligarchie financière qui a pris le controle du pays après le départ du Général de Gaulle. Depuis 40 ans tous les sondages montrent que le peuple français est contre la politique d’immigration de peuplement menée sans son accord. Nous sommes 40 ans plus tard et 20% des prénoms octroyés aux nouveaux né français sont des prénoms d’origine Coranique, soit 3 fois les chiffres d’il y a 20 ans (6,5%)… Rendez vous dans 50 ans pour voir ce que cela donnera !
Pour moi, un héros comme Tony Meloto est l’exemple même de celui qui célèbre justement et rend possibles des millions de héros « ordinaires », donnant amour, connaissance et pouvoir d’agir en conscience aux laissés pour compte de la société qui deviennent des héros pour les autres. L’héroïsme collectif est d’ailleurs l’une des 7 valeurs phares de l’enseignement et de la pratique GK. Mais, en Occident, nous avons beaucoup de peurs et de méfiance par rapport à un tel concept, car traumatisés par des siècles de manipulation… Pourtant, la confiance et la vision d’un monde équitable possible est le ciment du vivre ensemble en harmonie. Comment les faire advenir si ce n’est par l’éducation, dès la maternelle ? Sans négliger le discernement et les autres valeurs qui permettent d’éviter les écueils…
à Solon le Jeune (!)
La Nation, pour rester vivante, a besoin de se renouveler en permanence. On peut être fier du passé et ne pas s’y enfermer. Et d’ailleurs de quel passé parle-t-on ? le passé lui-même ne cesse de s’enrichir, le contemporain des plus âgés étant déjà le passé des plus jeunes. Le « c’était mieux avant » est porteur de beaucoup d’illusion rétrospective et nostalgique. Je persiste à penser qu’il faut sans cesse construire avec la réalité du jour, c’est le plus sûr moyen de rester en démocratie. Quant à penser que l’immigration est la cause de tous nos maux, c’est le recours à la pensée magique… je ne commente pas.
@hcd
« La Nation, pour rester vivante, a besoin de se renouveler en permanence. » : J’ai du mal à comprendre ce que vous voulez dire par là ? Faut il changer le peuple pour que la nation reste vivante ? Si c’est votre pensée alors vous êtes dans le camps des opposants à la démocratie (droit d’un peuple à choisir ses loi et son avenir sans passer par des faux-représantants (cf: traité anti-constitutionnel de Lisbonne, Loi Bruxelles-GOPé-Macron-Travail) car jamais une nation (un peuple) n’a choisi (désiré) que l’on change sa population.
« Quant à penser que l’immigration est la cause de tous nos maux, c’est le recours à la pensée magique… » : J’ai parlé de la politique d’immigration non-démocratique et des conséquences de celle-ci, je n’ai pas dit que celle-ci était la cause de tous les maux… juste que sans cette politique nous ne parlerions pas de terrorisme et de « vivre séparé » (« vivre ensemble ») dans notre beau pays.
Hervé, je ne suis pas d’accord avec toi. Beltrame était un héros ET un saint, un homme de tous les jours, un homme ordinaire, dans son métier de service, ouvert aux autres, comme ceux dont tu parles, un homme dont Soljenitsyne dirait « Sans (lui), sans (elle) aucun village, aucun pays, ni même la terre entière ne pourrait vivre »! Notre pays se structure par ces hommes ordinaires , comme la Terre. Avec amour
Les travaux d’historiens et de démographes (INED, EHESS ) nous rappellent que le peuplement en France est le fruit de mouvements et d’apports de populations incessants : on peut se rappeler des plus de 20% d’italiens à Marseille au début du 20ème siècle, etc. Nous sommes le fruit de cette hybridation par définition.
Le drame qui vient de se passer avec la mort du lieutenant-colonel Beltrame nous rappelle aussi qu’une nation se construit avec des représentations, de récits , des héros qui ont un rôle de porte-paroles de valeurs partagés. Dans une période où l’on constate des fractures de toutes natures, les actes posés et le regard portés sur l’autre, sur nos portes-voix, sur ce qui nous rassemble, sur ce que l’on veut ou non rendre visible, sont d’autant plus sensibles et à ajuster avec soin sans exclure. Merci Hervé de nous le rappeler.
Bonjour à tous, bonjour Hervé
@ Solon : Une nation, ce sont des valeurs, une histoire, une culture. Mais ce n’est pas une pureté, ni de reiigion, ni d’ideologie, ni de couleurs de peau. Nous sommes un melange d’influences, du nord, du sud, de l’est. C’est ce qui fait la diversité et la richesse de la France, des ses cuisines, de ses litteratures, de ses traditions. Nous sommes tous partiellement des immigrés et plu de la moitié d’entre nous n’avons jamais été des gaulois.
Il en va des nations comme des bâtiments : il faut savoir conserver un patrimoine (architectural), mais il ne faut pas sanctifier une époque. Il faut aussi savoir démolir pour que chaque génération crée sa propre marque, puisse changer les règles. Voilà, je crois ce que voulais dire Hervé.
@ Hervé : Je comprends tes réticences sur la glorification du geste de Beltrame. Il est clair pour moi que depuis une dizaine d’années, les gouvernements par l’intermédiaire des médias ont entrepris une politique sur le long terme de valorisation des forces de l’ordre.
Rappelez-vous l’image (certes caricaturale) que décrivait Coluche de la police il y a quelques dizaines d’années : avinée, illettrée, la dernière à respecter la loi… Il est clair qu’on cherche à changer cette image de la police.
L’exemple le plus frappant en est le développement extraordinaire des documentaires et reportages sur leur action. Très souvent les policiers et les gendarmes sont présentés comme les nouveaux protecteurs et heros. Ils le sont souvent ; pas toujours.
Là où je ne suis pas d’accord avec toi, Hervé, c’est qu’il me semble que ce geste est l’initiative individuelle d’un homme.
Le gouvernement en profite pour en rajouter sur l’héroisme de la police. C’est de bonne communication. Elle en fait un symbole fédérateur. Mais je ne crois pas,comme tu sembles le présenter, que ce soit le profil du « Français de souche » (expression qui ne veut pas dire grand chose) qui soit mise en avant. C’est plus le don de soi, purement spontané, d’un homme qui illumine sa fonction.
PS : pour reprendre ta suggestion d’un « album » des héros actuels, je crois qu’il convient d’abord de se poser la question de la fonction des heros et à quoi ils servent.
Les héros modernes sont bien souvent des personnages médiatiques : chanteurs, présentateurs ou animateurs télévision, avocats pénaiistes, Ce sont ceux qu’on retient. Ils monopolisent les médias, on les reconnait
Pourquoi sont-ils des héros ? Parce qu’ils illustrent ce que la plupart veulent : la notoriété et la reconnaissance.
Le héros en tant que figures charismatiques illustrent le sens que les gens souhaitent donner à leur vie. Ce sont des modèles. Ils symbolisent également des valeurs dominantes de la société. Et ces valeurs, médias obligent sont centrés sur l’apparence, sur la parole immediate et non la reflexion, sur la légèreté, sur la réussite.
Trump est un pathétique imbecille, un inculte, mais il a été élu parce qu’il était connu, qu’il semblait savoir faire de l’argent et qu’il semble implacable (illustré par son émission The apprentice » où il terminait par « vous êtes viré »).
Voilà qui sont nos héros.
@Valerie, @Gerard D :
Par Charles de Gaulle (rapporté par Alain Peyrefitte) / Le 5 mars 1959
« C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France.
Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne.
Qu’on ne se raconte pas d’histoire! Les musulmans, vous êtes allés les voir? Vous les avez regardés avec leurs turbans et leurs djellabas? Vous voyez bien que ce ne sont pas des Français. Ceux qui prônent l’intégration ont une cervelle de colibri, même s’ils sont très savants.
Essayez d’intégrer de l’huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d’un moment, ils se sépareront de nouveau. Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français.
Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante?
Si nous faisions l’intégration, si tous les Arabes et les Berbères d’Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherez-vous de venir s’installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé?
Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées. »
Mon commentaire n’a pas suscité beaucoup de réactions, mais je constate que la suite des discussions confirme un peu mon intuition. Avec les concepts de « héros » et de « nation », on se créée des imaginaires. Et comme ce sont des constructions, on y met ce qu’on y veut:
Nation : territoire, histoire, culture, religion, idéologie, couleur de peau ? Chacun, dans sa subjectivité, y fait son marché, et on arrive à des fractures conceptuelles presque irréductibles. Contentons nous d’une vision utilitariste de la nation (comme définition d’un groupe d’humain acceptant de se soumettre à un ensemble de lois communes par exemple), c’est bien suffisant. Et portons nos imaginaires et nos constructions sur ce qui est davantage essentiel et universel, l’humanité, la vie et le cosmos (oui je me répète :)).
Héros : courage, notoriété, reconnaissance, modèle, sacrifice, bonté, générosité, intelligence… Pas besoin ici que je refasse le dessin !
@Mathieu, je pense que vous confondez le sens premier du mot nation (nascio) qui signifie « peuple » depuis la Bible en grec, du terme de propagande, nation, qui signifie aujourd’hui, dictature camouflée en démocratie et où le peuple n’a aucune possibilité de choisir ses règles et son destin (et son immigration, cause de la fracture sociétale actuelle).
Selon moi une nation, c’est un peuple qui choisit librement son destin… hélas la France n’est plus une nation selon ce critère.
@Mathieu vous avez écrit: « Contentons nous d’une vision utilitariste de la nation (comme définition d’un groupe d’humain acceptant de se soumettre à un ensemble de lois communes par exemple) »
Je reformulerais votre propos ainsi :
« Contentons nous d’une vision légitimiste de la nation (incarnation de la souveraineté du peuple), comme définition d’un groupe d’humain légitime choisissant librement et sans l’intermédiaire de (faux) représentants (députés qui votent en faveur du traité de Lisbonne ou de la loi Macron-Bruxelles-Travail) les lois communes auquel il consent à obéir »
Solon, j’ai l’impression qu’on ne peut se rejoindre sur certains aspects mais vu ce que vous avez écrit avant j’ai peur de tomber dans un piège dialectique 🙂 Mais bon, déroulons quand même.
J’ai l’impression qu’on est d’accord sur la définition (légitimiste pour reprendre vos mots) de la nation, et je me joins aussi à vous pour protester contre notre mode de décision collective actuelle qui se nomme démocratie mais qui est bien éloigné de l’idéal que je m’en représente. HCD a quelques bonnes idées à ce sujet d’ailleurs 😉
Ceci dit les torts sont partagés, c’est trop simple de cibler les politiques, ou les institutions, ou l’immigration. Il y a globalement une forme de bêtise collective à laquelle nous participons quasiment tous, même de manière imperceptible*.
Mais, du coup, que viennent faire race, religion, et même culture là dedans ? La raison ne suffit elle pas à un « peuple » pour décider de lois communes ?
*boire du café régulierement pourrait être un bon exemple : cela conduit les secteurs agricoles des pays dont le climat le permet à spécialiser beaucoup d’agriculteurs, qui abandonnent donc l’agriculture vivrière et devienne dépendants des importations. Ils entrent ainsi de plein fouet dans la concurrence internationale, la guerre des prix et l’interdépendance, ce qui les fragilise et les précipite dans la misère dès le moindre soubresaut sur les cours des céréales. Provoquant ainsi flux migratoires, etc. Bref je ne vous raconte pas l’effet domino.
Cela ne vous concerne peut être pas, mais on pourrait trouver d’autres exemples de la vie de tous les jours, qui paraissent insignifiants mais aboutissent à des absurdités, voire des catastrophes collectives. Et personne ne l’a décidé dans un bureau !
@Mathieu, je n’ai pas ciblé l’immigration mais la politique d’immigration non démocratique menée depuis 40 ans. Saisissez vous la différence entre ces deux catégories ?
Sur les politiques et les institutions actuelles je serais impitoyable. Tout est à mettre à la poubelle et à imaginer un systeme plus intelligent. Les politiques nous (le peuple) ont factuellement violé en 2008 en annulant le référendum de 2005 où le peuple français à rejeté le projet de l’eurodictature financière de bruxelles.
@ Solon et Mathieu :
Je crois que 3 termes étroitement liés et proches, vous sont un peu étrangers ; ils sont pourtant au coeur de nos institutions. Ce sont les termes de Peuple, de Nation, et d’Etat.
Qu’est-ce qui définit un peuple : un ensemble d’individus unis par une même histoire, des valeurs, des traditions, une culture, une langue.
Lorsque cette unité se fédère, on parle de nation. C’est le sentiment d’unité et de fédération qui fonde la nation.
Lorsqu’une nation recouvre un territoire indépendant, on peut alors parler de pays et d’Etat.
Mais il existe des peuples qui n’ont jamais eu d’unité nationale ; c’est le cas des Etats dont l’unité (en partie éclatée) est tribale ou ethnique. On en a beaucoup parlé concernant la Libye, ce sont également les difficultés que rencontrent nombre de pays africains dont l’unité est plus tribale que nationale (au Rwanda le massacre entre Tutsi et Hutus est caractéristique) , enfin certains pays se sont constitués à la suite de l’éclatement d’empires (par exemple la dislocation de l’empire ottoman) et leurs frontières ont été définies sans qu’il y ait d’unité nationale. Ces pays écartelés soit finiront par éclater, soit mettront longtemps à se constituer une unité nationale.
De la même manière, il existe des peuples sans territoires (qui ont au grès de l’histoire été partiellement dispersés) ; C’est le cas du peuple Kurde à qui on avait promis la constitution d’un Etat (le Kurdistant) auquel s’est opposée la Turquie. C’était également le cas du peuple juif avant 1948, peuple sans territoire.
En gros : Peuple + unité = Nation
Nation + territoire = Etat.
Le échanges sont passés progressivement de la question des héros que nous mettons en avant à celle de la Nation que nous constituons… J’essaierai dans mon prochain papier de revenir sur ma conception de la Nation. Je conviens qu’elle s’affranchit des approches traditionnelles et des définitions classiques. Pour moi, la Nation n’est pas d’abord un peuple mais un projet qui réunit des citoyens. Elle est plus tournée vers l’avenir à construire que le passé à préserver. Bien sûr, nous avons un patrimoine « national », mais je le vois comme des ressources, une fécondité (comme dit François Jullien). J’y reviendrai plus longuement.
@hcd, a bon pour vous « une nation n’est pas d’abord un peuple, mai un projet » !
Et qui donc choisit le « projet » ?
Le peuple ou une petite élite bien pensante (à l’inverse du peuple) ?